15.4.11

Tristan et Yseult (version Joseph Bédier)

J'ai lu Tristan et Yseult adolescente, dans ma grande période de découverte de la littérature médiévale, et justement dans cette version, qui est une reconstitution romanesque à partir de différents fragments d'auteurs médiévaux.

C'est même sans doute ce texte qui me rendit si friande de littérature médiévale. En tous cas, il m'avait fort impressionnée. En l'écoutant aujourd'hui, je le trouve toujours aussi beau et puissant, il me parle toujours aussi fort.

Je ne sais pas si la version de Bédier est "authentique", je crois qu'il y a des controverses sur ce point, mais ce n'est pas forcément le débat : à la limite, peu importe. Même si Bédier a fait des choix, mis en ordre à sa manière, le texte est intéressant pour lui même, et je ne me souviens pas d'avoir lu une histoire d'amour qui résonne aussi fortement.

La relation de ces deux amants est surnaturelle : c'est un filtre qui les a liés l'un a l'autre. Ceux qui connaissent ce secret peuvent absoudre les amants de toutes les transgressions qu'ils vont commettre, parce qu'ils sont soumis malgré eux à cet amour qu'il ne peuvent combattre : nulle part il n'est question d'une quelconque antidote à ce filtre magique, concocté par la mère d'Yseult. Le "système" est intéressant, parce qu'il permet au lecteur d'évacuer le jugement moral, pour ne voir que le sublime de cet amour, capable de leur faire endurer les pires souffrances, de l’opprobre jetée sur eux à la cour du roi Marc au dénuement physique lorsqu'ils vivent dans les bois, et d'adhérer au caractère irrésistible de l'attraction sexuelle qu'il subissent, évoquée de manière à la fois très claire et très subtile. Et la situation dans laquelle ils sont, où il leur est impossible de vivre librement leur amour, permet de mettre en évidence la puissance de ce sentiment, sans qu'on s'interroge sur sa crédibilité, puisqu'il est "surnaturel".

En réalité, le début de l'histoire montre qu'ils n'avaient pas besoin de boire le filtre ensemble pour être attirés l'un vers l'autre, c'est particulièrement clair dans la scène du bain, et dans le questionnement intérieur d'Yseult pendant le début du voyage en bateau vers la Cornouailles. Mais, sans le filtre, il aurait été inadmissible qu'un chevalier aussi loyal que Tristan puisse poser les yeux sur la promise de son roi. Le système est parfait, et tous les ingrédients sont réunis pour faire de cet amour le symbole même de l'amour, idéal et impossible, irrésistible et irréalisable, inatteignable et indissoluble. "Ni vous sans moi, ni moi sans vous" sont les mots d'Yseult, qui résument tout. Un mythe, un archétype, qui  traversé les siècle pour faire écho jusque dans nos cœurs contemporains. La traduction en français contemporain est belle, restituant les impressions de la langue médiévale sans la caricaturer.

Si vous ne l'avez pas lu, vous pouvez l'écouter, lu par René Depasse pour Litterature audio.com. C'est, incontestablement, une des pièces maîtresses de la culture occidentale.

1 commentaire:

Denis a dit…

Bonjour,

Moi aussi, je suis persuadé que le filtre était superflu. Je crois pour ma part qu'il s'agit d'un artifice littéraire.

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